Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 1, Le Grand, 1833.djvu/338

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prisonniers, les archidiacres Bignes et Nagerel allèrent, au nom du chapitre, remontrer au parlement que « le peuple de la ville comptoit voir deux prisonniers lever la fierte en ceste journée. » Le chapitre était donc résolu de les élire ; et ils venaient prier instamment la cour de les leur délivrer tous deux pour esviter une esmotion populaire. On leur répondit qu’il y avait arrêt, et que la cour s’y tenait. Chose remarquable ! le chapitre, pour obtenir deux prisonniers, allèguait le danger d’une sédition dans la ville ; et, de son côté, le parlement repoussa la demande du chapitre « pour obvier à l’esmotion et sédition du peuple. » Cette crainte des magistrats était peut-être fondée. Et en effet, quelle joie bruyante les catholiques n’auraient-ils pas manifestée, si, dans cette belle cérémonie qu’ils aimaient tant, et dont les religionnaires les avaient privés l’année précédente, ils eussent vu figurer, outre le prisonnier élu pour l’année présente, l’autre prisonnier dont ces mêmes religionnaires avaient, en 1562, empêché la délivrance ! A leurs cris d’allégresse et de triomphe, n’aurait-on pas entendu se mêler les imprécations, les défis et les insultes ; surtout lorsqu’on pense que la châsse de Saint-Romain, brisée naguère par un marteau sacrilège, reparaissait, cette année, dégradée, mutilée, recouverte d’une étoffe, au lieu du riche faîte d’argent doré qui la décorait autrefois,