Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 1, Le Grand, 1833.djvu/87

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judicieuse critique, le miracle ne fut pas épargné. L’inexorable Adrien Baillet, le plus éclairé des hagiographes, le nia formellement. Dès 1608, Bouthillier, dans ses plaidoyers et ses écrits, l’avait attaqué avec vigueur, et l’avait accablé du poids de sa preuve négative, qui, quoi qu’en eût pu dire le chapitre, était d’une force invincible. En 1698, dans des mémoires adressés au roi, le bailliage de Rouen, la cour des aides revinrent à la charge. L’invraisemblance et l’absurdité de cette légende parurent de toutes parts. Vers la même époque, dans un procès au grand conseil, dont nous parlerons plus tard, le docte et pieux Sacy[1] rejeta avec mépris le miracle de la gargouille. A ses yeux cette légende fabuleuse n’était qu’une version populaire et dénaturée d’un autre miracle très-vrai. Du tems de saint Romain, la Seine s’étant débordée et menaçant de submerger une partie de la ville, le saint, par ses prières, avait fait rentrer le fleuve dans son lit, et Rouen avait été préservé d’une inondation imminente. Cette inondation, disait Sacy, avait dû être appelée gargouille, ce mot signifiant, autrefois, dans notre langue, irruption, bouillonnement de l’eau. Les savans l’avaient traduit par le mot hydra, « de udor, aqua » ; puis, étaient venus les ignorans qui avaient traduit hydra par hydre, serpent, dragon ;

  1. Louis de Sacy, Recueil de mémoires et de factums, tome 1er.