Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 2, Le Grand, 1833.djvu/592

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nous persuader que les habitans des villes fussent beaucoup plus à l’abri de semblables déceptions.

Sous les règnes de Louis-le-Débonnaire et de Charles-le-Chauve, la vénération des reliques s’empara tellement des esprits, qu’il n’était question que de fêtes de translation, et que l’invention d’un corps saint suffisait pour mettre l’Europe entière en émoi. Les rois s’empressaient alors d’envoyer les plus illustres personnages solliciter avec instance leur admission au partage des débris sacrés du bienheureux ; on ne connaissait point d’événement public d’une importance égale à celle de cette pieuse négociation, et les pompes triomphales de l’église accueillaient en tous lieux les saints ossemens, qui n’arrivaient à leur destination qu’en perçant la foule des populations prosternées sur leur passage.

Un temple majestueux s’élevait quelquefois en l’honneur d’une simple relique ; et, par cet événement favorable aux intérêts temporels de quelques uns et à la piété de tous, souvent une chétive bourgade, une abbaye solitaire devenaient le noyau d’une ville nouvelle, pleine de mouvement et de vie.

Les autels devaient contenir des reliques, notamment de martyrs ; c’était une des conditions primordiales de la consécration des églises. Souvent aussi quelques fragmens de ces dépouilles sacrées, enchâssés dans la pointe des pyramides, conjuraient dans la nue la violence des autans et les éclats de la foudre.

C’était sur les châsses que se prononçaient les sermens les plus redoutables, les sermens politiques même, de la tenue desquels dépendait souvent le sort des nations : cela s’appelait alors jurer sur sains[1].

  1. Une chose peu concevable dans un homme aussi pieux et aussi instruit pour son siècle que le fut le roi Robert, c’est de voir ce prince, croyant obvier par ce stratagème insensé à ce que le parjure a d’odieux, faire quelquefois jurer les seigneurs sur un reliquaire vide et les serfs sur un autre contenant seulement un œuf d’oiseau. Le savant abbé