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DE ROME À NAPLES.

et dont je me suis servi souvent, plus tard, pour rendre un peu de calme à sa pauvre tête, facilement exaltée à certaines époques.

Il avait du talent, et, si son cerveau avait été mieux équilibré, je suis convaincu qu’il aurait produit de très-belles œuvres. À l’abri du besoin, il n’eut d’autre but que de faire de la peinture pour lui-même ; sa modestie excessive l’y entraîna encore davantage. C’était chez lui une espèce d’idée fixe de ne faire que de petites études d’après nature, et presque toujours des têtes, rarement jusqu’aux mains. Il prenait une toile assez grande, de celles que nous appelons toiles de 40, et commençait en haut, à gauche, la série de ses études : en général, des enfants ou des vieillards qu’il rencontrait dans la rue, et que, pour un très-modique salaire, il faisait poser une journée devant lui. Sa tête achevée, il passait à une autre, placée tout à côté, finissait la ligne, et commençait le second rang ; ainsi de suite, jusqu’à ce que la toile fût couverte.

La première fois que je vis ce genre de travail et les murs tapissés de ces petites études, je ne pus retenir un éclat de rire, auquel il prit part lui-même ; mais, en les examinant, je fus frappé du mérite réel, du vrai talent qu’elles renfermaient. Il y en avait peu de médiocres, beaucoup d’excellentes ; quelques-unes étaient tout