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L’ATELIER D’INGRES.

béatifié comme lui. » — « Ah ! monsieur le marquis, j’ai bien peur que l’un ne soit aussi difficile que l’autre. »

Notre journée de travail terminée, nous nous réunissions vers six heures à la trattoria della Luna, où nous avions l’habitude de dîner. Ce restaurant était situé dans la rue de’ Calzaioli, la plus commerçante, mais la plus étroite et la moins élégante des rues de Florence : elle est devenue aujourd’hui une espèce de rue de la Paix et a fait disparaître, dans son alignement nouveau, notre modeste restaurant.

Une petite salle était réservée aux artistes français ; elle pouvait contenir dix à douze convives, et chaque soir nous nous retrouvions là, tous peintres, ou à peu près. Quelques Français qui n’étaient pas artistes parvenaient à s’y faire admettre, mais devaient forcément subir des conversations qui roulaient principalement sur les arts, et où les paradoxes les plus étranges étaient avancés avec une grande audace. On y était fort gai, et ces dîners modestes, mais excellents, ne dépassaient pas une somme qui paraîtrait incroyable aujourd’hui ; ce que je puis dire, c’est que, si l’un de nous arrivait à dépasser quatre pauls[1], on n’était pas loin

  1. Le paul valait 55 c.