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MAÎTRES ET ÉLÈVES.

vie agréable et douce que je menais ; peut-être même était-elle un peu trop mondaine. J’aurais pu employer plus utilement mes soirées à des lectures, à des études dont les bienfaits se seraient fait sentir plus tard ; mais, à vingt-cinq ans, il est difficile de ne pas subir des entraînements qui n’ont jamais, du reste, dépassé certaines bornes, grâce à l’amour que nous avions de notre art. Il n’y a guère que l’homme qui ne fait rien et n’a de goût prononcé pour rien, qui puisse, à l’âge où nous étions, courir de vrais dangers.

Pourtant, cette vie si charmante et si calme fut troublée un moment, et notre maître en fut la cause.

Un jour que nous étions à dîner, nous vîmes entrer dans notre petite salle de la Luna un de nos camarades, plutôt l’ami que l’élève de M. Ingres, car je ne puis pas dire que j’aie vu un coup de crayon de lui ; mais il était fort instruit, et avait séduit M. Ingres par un certain aplomb de pédagogie, et l’aplomb imposait toujours à M. Ingres ; aussi emmenait-il Franck (c’est ainsi que je le nommerai) dans toutes ses petites tournées. Je ne crois pas que ce garçon fût méchant ; mais il avait un besoin de bavardage, de ragots de portière, comme nous disions, qui le rendait presque dangereux.