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PREMIERS ESSAIS DE PEINTURE.

pensée, et calculait le choix de ses sujets et la façon de les exécuter en vue de quelque travail dont les projets pointaient dans les ministères. Comme il ne me redoutait sous aucun rapport, il se laissait aller assez facilement à me faire ses confidences, et quand, un jour, au Salon, je lui demandai par quelle singulière idée il avait exécuté un apôtre dans des dimensions colossales, il me regarda en souriant, et me répondit : « Mais vous ne savez donc pas qu’on doit peindre la Madeleine ! »

J’ai toujours admiré ces natures-là, peut-être parce que j’en étais bien complétement l’opposé ; et de plus j’avais pour Ziegler une vraie affection, qu’il me rendait avec une petite nuance de protection dont je ne me blessais pas le moins du monde. Son imagination si vive, le feu de sa parole, son érudition avaient pour moi un attrait dont je ne pouvais me défendre, et qui me faisait supporter patiemment sa susceptibilité si chatouilleuse pour tout ce qui touchait à notre art. Aussi me fallait-il une certaine habileté pour louvoyer à côté de ce caractère difficile, et je dois dire que peu y réussissaient.

Mes absences fréquentes de Paris rendirent nos rapports beaucoup moins suivis. Au retour d’un de mes voyages en Italie, j’appris que sa