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fond. Des clameurs étouffées partaient de l’entrepont au-dessous de nous, et nous avertissaient du danger qui nous menaçait. Au même instant une lame énorme ouvrit le flanc du vaisseau, et les vagues entrèrent avec impétuosité. Nous montâmes sur les malles qui se trouvaient là afin de prolonger encore notre existence de quelques instants. Un terrible craquement se fit entendre de suite, l’eau monta et nous couvrit bientôt ; le naufrage s’était accompli.

Plongé dans de profondes ténèbres, enseveli sous l’eau, je ne pouvais respirer, et je fus persuadé que c’en était fait de nous tous. Ô bonheur ! l’eau baissa de quelques pouces et je respirai avec délices. J’appelai messieurs van Buren et Vernier : point de réponse. De faibles gémissements se faisaient entendre autour de moi. Je reconnus à mes pieds, la voix des deux enfants de monsieur Kempf qui disaient : « Papa, pa… pa… nous…allons… vers Jésus !… » Pauvres enfants ! Je ne pouvais leur porter aucun secours, étant moi-même comme prisonnier : je me sentais le bras fortement serré sans pouvoir en expliquer la cause. Tout ce que je me rappelle, c’est que lorsque l’eau entra dans le vaisseau, je cherchai naturellement à m’élancer au-dessus des flots, et passai ma main sur la porte. Mon autre bras