11 janvier 1867 (Genève). Eheu fugaces, Postume, Postiime, Labuntur anni J’entends distinctement tomber les gouttes de ma vie dans le gouffi’c dévorant de l’éternité. Je sens fuir mes jours au-devant de la mort. Tout ce qui me reste de semaines, de mois ou d’années à boire la lumière du soleil ne me paraît guère qu’une nuit, une nuit d’été qui ne compte pas, car elle va finir. La mort ! le silence ! l’abîme ! — Effrayants mys- tères pour l’être qui aspire à l’immortalité, au bon- heur, à la perfection! Oîi serai-je demain, dans peu de temps, quand je ne respirerai plus? où seront ceux que j’aime? où allons-nous? que sommes- nous? Les éternels problèmes se dressent toujours devant nous, dans leur implacable solennité. Mys- tères de toutes parts ! La foi pour toute étoile dans ces ténèbres de l’incertitude N’importe! pourvu que le monde soit l’œuvre
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