Page:Amiel - Fragments d’un journal intime, t2, 1908.djvu/68

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âmes, mais à ceux qui font l'impression d'avoir vaincu la nature par la grâce, d'avoir traversé le buisson de feu, et de parler non pas le langage de la sagesse humaine, mais celui de la volonté divine. Dans l'ordre religieux, c'est la sainteté qui fait l'autorité, c'est l'amour ou la puissance de dévouement et de sacrifice qui va au cœur, persuade et attendrit.

Ce que les âmes religieuses, poétiques, tendres, pures pardonnent le moins, c'est qu'on diminue ou rabaisse leur idéal. Il ne faut jamais mettre contre soi un idéal ; il faut en montrer un autre, plus pur, plus haut, plus spirituel, et dresser derrière une cime élevée, une cime plus élevée encore. Ainsi l'on ne dépouille personne, on rassure tout en faisant réfléchir, on fait entrevoir un but nouveau à celui qui voudrait changer de but. On ne détruit que ce qu'on remplace; et l'on ne remplace un idéal qu'en satisfaisant à toutes les conditions de l'ancien avec quelques avantages en sus. — Que les protestants libéraux présentent la vertu chrétienne avec une intimité, une intensité, une sainteté plus grandes qu'auparavant, et cela dans leurs personnes et dans leur influence, ils auront fait la preuve demandée par le Maître : L'arbre sera jugé à ses fruits.