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oiseaux de la forêt, à tous les passants de la terre ; aie en toi un sanctuaire, une chapelle intérieure qui soit aussi une citadelle et un lieu fort ; caches-y ton secret, ta vocation, tes principes, les archives de ton âme, l’eau lustrale de la religion, les armes de ta volonté, l’ex-voto de ta suprême idée ; reviens-y quotidiennement te retremper par la prière et la contemplation ; viens-y demander la foi et la fidélité à toi-même. Le recueillement, le retour au divin, il ne faut pas moins pour traverser la vie, ses tentations, ses dissipations, sans s’évaporer, se dissiper ou se corrompre. Et cette foi intérieure demande à être renouvelée tous les jours.

CXLI. — L’EFFET DU DOUTE.

Entre l’intérieur et l’extérieur d’un arbre, entre l’écorce et l’aube, introduis le doigt : c’est le doigt qui est écrasé. Entre l’intérieur et l’extérieur de l’homme, entre la pensée et l’action, insinue le doute, c’est l’homme qui se fend en deux. Le schisme, qui laisse indifférente ou même exalte la vitalité du végétal, atteint et blesse mortellement la vie de la volonté.

CXLII. — LA CAUSERIE.

Mieux connaître et mieux être connu, tel doit être le résultat de toute conversation sérieuse ; consolation réciproque et raffermissement mutuel par l’échange et la confidence des âmes, tel est le but et la bénédiction de la causerie intime.