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Page:Amiel - Jour à jour, 1880.djvu/33

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La vie est une lutte et dès lors un supplice,
Et c’est là sa laideur, et c’est là mon effroi.
L’harmonie et la paix sont mes désirs à moi,
C’est pourquoi vers ton gouffre, ô saint Bouddha, je glisse.

Souffrir, toujours souffrir par autrui, pour autrui ;
Du monde, malgré soi partager la géhenne ;
Et toujours se contraindre et respirer à peine,
Remplit l’homme à la fin d’amertume et d’ennui.

On a soif une fois d’être au gré de son âme,
De contenter ses vœux, ses rêves, ses besoins,
Et libre, d’épancher, avec ou sans témoins,
De son cœur tout entier la richesse et la flamme.

Esclavage écrasant ! s’étouffer, se dompter,
S’immoler sans relâche et parfois sans justice,
Faut-il donc qu’à jamais ce joug s’appesantisse ?
Dieu du ciel, pourrons-nous vivre un jour sans compter ?