Page:Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses, 1788.djvu/92

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le couvent où je suis en qualité de pensionnaire, je ne laissai pas d’être effrayée de la résolution qu’elle avait prise ; sans pouvoir distinguer le motif de ma frayeur, je sentais qu’elle allait me rendre malheureuse. L’âge, en me donnant des lumières, m’éclaira sur mon aversion pour le cloître ; je sentis qu’il me manquait quelque chose, la vue d’un homme. Du simple regret d’en être privée, je passai bientôt à réfléchir sur ce qui pouvait me rendre cette privation si sensible. Qu’est-ce donc qu’un homme ? disais-je. Est-ce une espèce de créature différente de la nôtre ? Quelle est la cause des mouvements que sa vue excite dans mon cœur ? Est ce un visage plus aimable qu’un autre ? Non, le plus ou le moins de charmes que je leur trouve n’excite que plus ou moins d’émotion ; l’agitation de mon cœur est indépendante de ces charmes, puisque le père Jérôme même, tout désagréable qu’il est, m’émeut quand je suis près de lui. Ce n’est donc que la seule qualité d’homme qui produit ce trouble ; mais pourquoi la produit-elle ? J’en sentais la raison dans mon cœur, je ne la connaissais pas ; elle faisait ses efforts pour briser les liens où mon ignorance la réduisait. Efforts inutiles ! je n’ac-