TRIPTOLEME EBLOUI, par Philéas Lebesqtje. — 1 vol. de 173 p. Prix : 12 fr. à la Librairie Académique Perrin, 35, quai des Grands-Augustins, Paris.
Philéas Lebesque, druide Ab-Gwenc’hlan, n’est pas un homme dont on puisse résumer l’œuvre en quelques lignes sommaires. Nous avons déjà dit dans cette Revue, la place considérable qu’il tient dans la littérature française. Ses con- naissances sont vastes, son talent d’écrivain est à leur hauteur ; sa simplicité est proverbiale. Comment ce laboureur qui exploite lui-même sa métairie de La Neuville-Vault, dans, le Pays de Bray, est-il parvenu à écrire, de sa main calleuse, des chefs- d’œuvre qu’on s’arrache à Paris et à l’Etranger, à s.’initier au serbe, au portugais et au breton, à lire le grec et le latin dans les textes, ce sera l’énigme pour ses commentateurs à venir.
Son livre de poèmes récemment paru à la «Revue des Poètes» est étrangement nommé. Les non-initiés aux littératures an- ciennes devront apprendre que Triptolème était un petit roitelet grec qui inventa, dit-on, la charrue, et apprit à ses compatriotes à cultiver la terre. Nourri du suc de l’antiquité, le druide du Beauvaisis se compare, à juste titre, à Triptolème. Il regarde l’univers : il est ébloui de sa splendeur ; et en strophes inspirées, réalistes, mais d’une simplicité patriarcale, il dit les; enchantements qu’il doit à Déméter, déesse des mois- sons ; à Hermès, dieu des voyageurs ; à la Pythie, qui prédit l’avenir; à l’amour, « né d’un sourire, et qui expire en un sanglot. » ?ï>W
Lebesgue sait peindre en de gracieux tableaux les paysages qu’il a contemplé au cours, de ses échappées ; tour à tour nous admirons avec lui Lisbonne et le Tage ; Avignon et la Pro- vence ; Breiz-Izel, qui l’accueillit comme un frère gaulois ; l’Ai- " sace ; Veuise et l’Italie ; Belgrade et la Serbie, dont il a chanté l’épopée.
Puis il retourne à. sa terre, à ses labours — et c’est en tou- chant ce milieu qu’il retrouve, comme Antée, les accents qui nous émeuvent le plus. Il faut l’entendre célébrer la fenaison, la charrue, la pouliche, le pressoir, le rucher, et jusqu’aux modernes machines agricoles ! Le paysan d’aujourd’hui n’est plus le paysan d’hier.
Le rustre a dépouillé la blouse des ancêtres, Il a fait de la glèbe une usine. Il sait mettre En marche les moteurs, régler les électrodes, Il prétend à son tour être un homme à la mode.
Mais tout n’est pas rose aux champs. Ecoutez la contrepartie du Fortunatos nirniun de Virgile :
Et maintenant, courbé sous le poids des besognes Sentant que nul repos ne m’atteindra jamais, Puisque je n’ai pas su m’enrichir sans, vergogne, Je me dis : la maison et les champs que j’aimais Me faudra-t-il les, perdre, ô Fisc, pour que les trognes