c’est un ancien rempailleur, Brochet, qui grelotte la fièvre et dont les yeux sanglans nagent sans cesse dans une sorte d’horreur. Il est sobre et il est ivre.
Brochet fait signe à ses hommes de garder les issues, et, s’adressant à Mme d’Avenay :
— Citoyenne, lui dit-il, je viens d’apprendre que tu es en correspondance avec les agens de Pitt, les émigrés et les conspirateurs des prisons. Au nom de la loi, je viens me saisir de tes papiers… Il y a longtemps que tu m’étais désignée comme une aristocrate de la plus dangereuse espèce. Le citoyen Rapoix qui est devant tes yeux (et il désigna un de ses hommes) a avoué que, dans l’hiver de 1789, tu lui as donné de l’argent et des vêtemens pour le corrompre. Des magistrats tièdes et sans vigueur t’ont épargnée ; mais je suis le maître à mon tour et tu n’échapperas pas à la guillotine. Livre-nous tes papiers.
— Prenez-les vous-même, dit Fanny, mon secrétaire est ouvert.
Il y restait encore quelques mémoires de fournisseurs et des titres de propriété que Brochet examina un à un. Il les tâtait et les retournait, comme un homme défiant qui ne sait pas bien lire.
Fanny comprend que la visite sera longue et minutieuse. Elle ne peut se défendre de regarder du côté du canapé et elle voit un coin de la lettre de Marcel qui passe sous la housse comme l’oreille d’un chat blanc. À cette vue son inquiétude cesse. La certitude de sa perte met dans son esprit une tranquille assurance et sur son visage un calme tout semblable à celui de la sécurité. Elle est certaine que les hommes verront ce bout de papier qu’elle a vu ; mais elle ne sait pas s’ils le découvriront tout de suite ou s’ils tarderont à le voir. Ce doute l’occupe et l’amuse. Elle se fait dans ce