Page:Anatole France - Balthasar.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tures et jusqu’aux douleurs sans nom de cette juive dont l’ardente beauté brillait encore sous les cendres de la pénitence.

— Va-t’en ! juive, s’écria-t-elle en retenant les larmes dans ses yeux avec les poings, va-t’en ! J’étais si tranquille tout à l’heure ! Je me croyais heureuse. Je ne savais pas qu’il y eût au monde d’autres bonheurs que ceux que j’ai goûtés. Je ne connaissais pas d’autre amour que celui de mon excellent Helvius et pas d’autre joie sainte que de célébrer les mystères des déesses à la mode de ma mère et de mon aïeule. Oh ! c’était bien simple. Méchante femme, tu voulais me donner le dégoût de la bonne vie que j’ai menée. Mais tu n’as pas réussi. Que viens-tu me parler de tes amours avec un dieu visible ? Pourquoi te vantes-tu devant moi, d’avoir vu le nabi ressuscité, puisque je ne le verrai pas, moi ? Tu espérais me gâter jusqu’à la joie d’avoir un enfant. C’était mal ! Je ne veux pas connaître ton dieu. Tu l’as trop aimé ; il faut pour lui plaire se prosterner échevelée à ses pieds. Ce n’est pas là une attitude convenable à la femme d’un chevalier. Helvius se fâcherait si j’étais jamais une telle adorante. Je ne veux pas d’une reli-