Page:Anatole France - Balthasar.djvu/159

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en souliers de satin ! Car elle avait des souliers de satin. Était-ce raisonnable ?

— Il faut y aller et il n’est pas nécessaire d’être raisonnable.

Telle fut la sublime réponse de Georges à Abeille. Elle lui avait fait honte et maintenant elle faisait l’étonnée… C’est lui, cette fois, qui la renvoyait dédaigneusement à sa poupée. Les filles poussent aux aventures et s’y dérobent. Fi ! le vilain caractère ! Qu’elle reste ! Il irait seul.

Elle lui prit le bras ; il la repoussa. Elle se suspendit au cou de son frère.

— Petit frère ! disait-elle en sanglotant, je te suivrai.

Il se laissa toucher par un si beau repentir.

— Viens, dit-il, mais ne passons pas par la ville, car on pourrait nous voir. Il vaut mieux suivre les remparts et gagner la grand’route par le chemin de traverse.

Et ils allèrent en se tenant par la main. Georges expliquait le plan qu’il avait arrêté.

— Nous suivrons, disait-il, la route que nous avons prise pour aller à l’Ermitage ; nous ne manquerons pas d’apercevoir le lac comme nous l’avons aperçu l’autre fois et alors nous