Page:Anatole France - Balthasar.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fondes et vont-ils sur l’écorce inclémente de la terre se mêler aux hommes, afin de les aimer, de souffrir avec eux et par eux, et de goûter ainsi la pitié, qui rafraîchit les âmes comme une céleste rosée. Telle est la vérité sur les hommes, ô roi Loc ; mais ne m’as-tu point demandé la destinée particulière de quelqu’un d’entre eux ?

Le roi Loc ayant répété sa question, le vieux Nur regarda dans une des lunettes qui emplissaient la chambre. Car les Nains n’ont point de livres ; ceux qu’on trouve chez eux viennent des hommes et servent de jouets. Pour s’instruire, ils ne consultent pas, comme nous, des signes sur le papier ; ils regardent dans des lunettes et y voient l’objet même de leur curiosité. La difficulté est seulement de choisir la lunette convenable et de la bien diriger.

Il en est de cristal, il en est de topaze et d’opale ; mais celles dont la lentille est un gros diamant poli ont plus de puissance et servent à voir des choses très éloignées.

Les Nains ont aussi des lentilles d’une substance diaphane, inconnues aux hommes. Celles-là permettent au regard de traverser comme du verre les murailles et les rochers. D’autres, plus admirables encore, reproduisent aussi fidèle-