Page:Anatole France - Balthasar.djvu/226

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Il semblait songeur et prononçait des paroles qui n’avaient pas de sens. Mais il marchait obstinément. Des montagnes lui barraient le chemin et il gravissait les montagnes ; des précipices s’ouvraient sous ses pieds et il descendait les précipices ; il passait les gués ; il traversait des régions affreuses qu’obscurcissaient des vapeurs de soufre. Il cheminait sur des laves brûlantes, où ses pieds laissaient leur empreinte, il avait l’air d’un voyageur extrêmement têtu. Il s’engagea dans des cavernes sombres où l’eau de la mer, filtrant goutte à goutte, coulait comme des larmes le long des algues et formait sur le sol inégal des lagunes où d’innombrables crustacés croissaient monstrueusement. Des crabes énormes, des langoustes et des homards géants, des araignées de mer craquaient sous les pieds du Nain, puis s’en allaient en abandonnant quelqu’une de leurs pattes et réveillaient dans leur fuite des limules hideux, des poulpes séculaires qui soudain agitaient leurs cent bras et crachaient de leur bec d’oiseau un poison fétide. Le roi Loc avançait pourtant. Il parvint jusqu’au fond de ces cavernes, dans un entassement de carapaces armées de pointes, de pinces à doubles