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— À demain ! avenue du Bois-de-Boulogne, au coin de la villa Saïd.

— Je n’irai point chez cette folle, me dis-je.

Le lendemain, à quatre heures, je sonnais à la porte de son hôtel. Un laquais m’introduisit dans un immense hall vitré où s’entassaient des tableaux, des statues de marbre ou de bronze ; des chaises à porteur en vernis Martin chargées de porcelaines ; des momies péruviennes ; douze mannequins d’hommes et de chevaux couverts d’armures, que dominaient de leur haute taille un cavalier polonais portant au dos des ailes blanches et un chevalier français en costume de tournoi, le casque surmonté d’une tête de femme en hennin, peinte et voilée. Tout un bois de palmiers en caisse s’élevait dans cette salle, au centre de laquelle siégeait un gigantesque Bouddha d’or. Au pied du dieu, une vieille femme, sordidement vêtue, lisait la Bible. J’étais encore ébloui par tant de merveilles quand mademoiselle Morgan, soulevant une portière de drap pourpre, m’apparut en peignoir blanc, garni de cygne. Elle s’avança vers moi. Deux grands danois à long museau la suivaient.