Page:Anatole France - Balthasar.djvu/56

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J’étais déjà dans l’antichambre quand elle me cria :

— Hein ? est-il assez nitide, mon costume ? N’est-ce pas qu’au bal de la comtesse N***, je ferai bisquer les autres femmes ?

Je fus choqué d’un tel propos. Mais, m’étant retourné vers elle, je la revis et je retombai sous le charme.

Elle me rappela.

— Monsieur Pigeonneau, vous êtes un aimable homme. Faites-moi un petit conte, et je vous aimerai beaucoup, beaucoup, beaucoup.

— Je ne saurais, lui répondis-je.

Elle haussa ses belles épaules, et s’écria :

— De quelle utilité serait donc la science, si elle ne servait à faire des contes ? Vous me ferez un conte, monsieur Pigeonneau.

Ne jugeant point utile de renouveler mon refus absolu, je me retirai sans rien répondre.

Je me croisai à la porte avec cet homme à la barbe assyrienne, le docteur Daoud, dont le regard m’avait si étrangement troublé sous la coupole de l’Institut. Il me fit l’effet d’un homme des plus vulgaires et sa rencontre me fut pénible.

Le bal de la comtesse N*** eut lieu quinze jours environ après ma visite. Je ne fus point