Page:Anatole France - Balthasar.djvu/59

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Je me demandais en moi-même :

« Qu’est-ce que cela veut dire ? »

Mais je renonçai bientôt à y rien comprendre. Je suis bien bon, me dis-je, de chercher un sens aux folies d’une jeune détraquée. Travaillons. Quant à ce petit animal, madame Magloire, ma gouvernante, pourvoira à ses besoins. Je me remis à un travail de chronologie d’autant plus intéressant pour moi que j’y malmène quelque peu mon éminent confrère, M. Maspéro. Porou ne quitta pas ma table. Assis sur son derrière, les oreilles droites, il me regardait écrire. Chose incroyable, je ne fis rien de bon ce jour-là. Mes idées se brouillaient ; il me venait à l’esprit des bribes de chansons et des lambeaux de contes bleus. J’allai me coucher assez mécontent de moi. Le lendemain je retrouvai Porou assis sur ma table et se léchant la patte. Ce jour-là encore, je travaillai mal ; Porou et moi nous passâmes le plus clair des heures à nous regarder. Le lendemain alla de même et le surlendemain, bref, toute la semaine. J’aurais dû m’en affliger ; mais il faut confesser que peu à peu je prenais mon mal en patience et même en gaieté. La rapidité avec laquelle un honnête homme se