Page:Anatole France - Balthasar.djvu/97

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qu’il est un dieu propice aux femmes, je regrette qu’il ne soit pas en honneur dans l’aristocratie et parmi les fonctionnaires, car je lui ferais volontiers des offrandes de gâteaux au miel. Mais, écoute, Marie la Juive, invoque-le, toi qu’il aime, et demande-lui pour moi ce que je n’ose lui demander et ce que mes déesses m’ont refusé.

Læta Acilia avait prononcé ces paroles en hésitant. Elle s’arrêta et rougit.

— Qu’est-ce donc, demanda vivement la Madeleine, et que manque-t-il, femme, à ton âme inquiète ?

Se rassurant peu à peu, Læta Acilia répondit :

— Marie, tu es femme, et, bien que je ne te connaisse point, il m’est permis de te confier un secret de femme. Depuis six ans que je suis mariée, je n’ai point encore d’enfant et c’est un grand chagrin pour moi. Il me faut un enfant à aimer ; l’amour que j’ai là au cœur pour le petit être que j’attends et qui ne viendra peut-être jamais m’étouffe. Si ton dieu, Marie, m’accorde, par ton entremise, ce que mes déesses m’ont refusé, je dirai qu’il est un bon dieu, et je l’aimerai et je le ferai aimer par mes amies, qui sont comme moi jeunes, riches, et des premières familles de la ville.