Page:Anatole France - Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.djvu/140

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petit ce portrait me donnait l’idée d’un homme avancé en âge, et cette impression m’était restée. Elle vient de tomber tout à coup. La peinture de Gosselin s’est assombrie ; les chairs ont pris sous le vernis ancien un ton d’ambre ; des ombres olivâtres en noient les contours. Le visage de notre père semble se perdre peu à peu dans un lointain profond. Mais ce front lisse, ces grands yeux ardents, ces joues d’une maigreur tranquille et pure, cette chevelure noire, abondante et lustrée, sont, je le vois pour la première fois, d’un homme plein de jeunesse.

— Certainement, dit Zoé.

— La coiffure et le costume sont du vieux temps où il était jeune. Il a les cheveux en coup de vent. Le collet de son habit vert-bouteille monte haut ; il a un gilet de nankin et sa large cravate de soie noire fait trois fois le tour de son cou.

— Il y a une dizaine d’années, dit Zoé, on