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FEUILLES MORTES


Voici l’automne. Le vent qui souffle dans les bois fait tournoyer les feuilles mortes. Les châtaigniers sont déjà dépouillés et dressent dans l’air leur noir squelette. Voici que tombent les feuilles des hêtres et des charmes. Les bouleaux et les trembles sont devenus des arbres d’or, et seul un grand chêne garde encore sa verte couronne.

La matinée est fraîche ; un vent aigre agite le ciel gris et rougit les doigts des petits enfants. Pierre, Babet et Jeannot vont ramasser les feuilles mortes, les feuilles qui naguère, du temps qu’elles vivaient, étaient pleines de rosée et de chants d’oiseaux et qui maintenant couvrent par milliers le sol de leurs petits cadavres desséchés. Mortes, elles sentent bon. Elles serviront de litière à Riquette, la chèvre, et à Roussette, la vache. Pierre a pris sa hotte ; c’est un petit homme. Babet a pris son sac ; c’est une petite femme. Jeannot les suit avec la brouette.

Ils ont descendu la côte en courant. À l’orée du bois ils ont rencontré les autres enfants du village, qui viennent aussi faire provision de feuilles mortes pour l’hiver. Ce n’est point un jeu : c’est un travail.

Mais ne croyez pas que ces enfants soient tristes parce qu’ils travaillent. Le travail est sérieux : il n’est pas triste. Bien souvent on l’imite