Page:Anatole France - Histoire comique.djvu/192

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au foie, j’étais ravagé d’anémie, je tombais de fatigue. Pour ménager mes forces, il me fallait prendre un peu de repos à midi. Je m’étendais, après le déjeuner, dans la cour intérieure de ma maison et, là, je me baignais pour une heure dans cette ombre africaine épaisse et fraîche comme de l’eau. Un jour que j’étais couché de la sorte dans ma cour sur mon divan, au moment où j’allumais une cigarette, je vis venir Sélim. Il souleva de son beau bras de bronze la tenture de la porte et s’approcha de moi, dans sa robe bleue. Il ne parlait pas, mais il souriait de son sourire innocent et sauvage et ses lèvres d’un rouge sombre découvraient des dents éclatantes. Ses yeux, sous l’ombre azurée des cils, brillaient de désir en regardant ma montre posée sur la table.

» Je pensai qu’il s’était échappé. Et j’en étais surpris, non que les captifs soient étroitement surveillés dans ces prisons orientales où les hommes, les femmes, les chevaux et