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Page:Anatole France - Histoire comique.djvu/221

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drame, personne, entendez-vous ! » Et il nous conta sa découverte : « Je viens de la Chambre. On m’avait fait grimper à l’amphithéâtre. Je voyais les députés grouiller comme des insectes noirs au fond d’un puits. Tout à coup un petit homme, trapu, monte à la tribune. Il avait l’air de porter sur son dos un sac de charbon. Il écartait les coudes et fermait les poings. Il était comique, quoi ! Il avait l’accent méridional et faisait des fautes de diction. Il parla des travailleurs, des prolétaires, de la justice sociale. C’était superbe ; sa voix, son geste, vous prenaient aux entrailles ; la salle faillit crouler sous les applaudissements. Je me suis dit : « Ce qu’il fait, je le ferai au théâtre, et mieux. Moi, un comique, je jouerai le drame. Les grands rôles de drame doivent, pour produire leur effet, être tenus par un comique, mais qui ait de l’âme. » Et le pauvre garçon croyait avoir conçu un art nouveau. « On verra », disait-il.