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Page:Anatole France - Histoire comique.djvu/26

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— C’est une raison de croire que tu le joueras très bien, ma mignonne, dit madame Doulce.

Et elle professa :

— Nous n’entrons jamais mieux dans nos rôles que lorsque nous y entrons de force et malgré nous. Je pourrais vous en citer de nombreux exemples. Et moi-même, dans la Vivandière d’Austerlitz, j’ai étonné la salle entière par l’accent de ma gaieté, au moment où l’on venait de m’annoncer que mon pauvre Doulce, si grand artiste et si bon mari, avait été foudroyé d’apoplexie, à l’orchestre de l’Opéra, en saisissant son cornet à piston.

— Pourquoi veut-on absolument que je ne sois qu’une ingénue ? demanda Nanteuil, qui voulait être aussi une amoureuse, une grande coquette et jouer tous les rôles.

— Et cela se comprend, poursuivit obstinément madame Doulce. L’art de la comédie est un art d’imitation. Or, ce qu’on n’éprouve pas, on l’imite d’autant mieux.