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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/159

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vous. » Il est fameux, Labrunière ! Dis donc, ma tante, sais-tu que tu es une très belle femme ? Puis ses idées, après tant de sautillements, se posèrent sur le texte grec. Il faisait le mot à mot, et, comme un oiseau jaseur, remplissait la chambre de sa voix claire, disant tout haut les mots grecs et français qu’il écrivait et s’interrompant pour compter des billes.

— « Kara théion, la tête divine, Iokastès, de Jocaste, tethneken est morte... Comme c’est bête !... Elle alla... pros ta leké numphica, vers les couches nuptiales,... c’est-à -dire vers la chambre à coucher... Remarquez, messieurs, quelle heureuse expression ! et quelle harmonie !... Sposa komen, déchirant sa chevelure, kalei elle appelle, Laïon Laïus, nekron, mort. Vois-tu, ma tante, en français, un laïus c’est un sermon, mais en grec c’est un bonhomme que Jocaste avait épousé, et ce mariage-là n’avait pas réussi. S’arrachant les cheveux, elle appelle Laïus mort... »

Hélène, à travers ces balbutiements de grec et de français, démêlait une antique et noble histoire de femme désespérée.

Lui, échauffé, près d’en finir, se hâtait.