Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/20

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sur les chenets, il songe, en bourrant sa pipe et en remuant son grog, que les soirs d’hiver sont bien tristes, quand on est seul. Il n’a pas revu la veuve ; mais quand les amis lui demandent ce qu’elle est devenue, il répond courageusement, avec une belle humeur qui recouvre un chagrin profond :

— C’est toujours et plus que jamais la belle madame Trévière.


Voilà en quelques traits l’histoire que je n’écrirai pas. Elle est vraie. Recevez, faute de mieux, celles que j’ai écrites, je ne sais trop comment ni pourquoi. Le conteur est comme cette amie du vieux poète Mellin de Sainct-Gelais, qui avait plus de lunes en la tête qu’il n’y a de barques à Venise. J’avais assurément une lune rousse dans le cerveau quand je rédigeai, d’après des témoignages authentiques, le récit dont le titre, Jocaste, est dû à une circonstance à la fois très simple et très singulière. Quant à la lune du Chat Maigre, c’est celle qui se lève toute rouge sur les gouttières de Paris. Celle-là est sans terreurs et n’a rien de mystérieux. Je vous prie de recevoir ces deux récits comme un faible témoignage de gratitude et d’affection.

A. F.