Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/28

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-major ses grands yeux clairs et resta silencieuse, avec quelque chose d’incertain et de triste sur les lèvres.

Ses yeux, d’une nuance indécise, avaient l’air frileux et si chargés de langueur, que tout le visage qu’ils éclairaient en recevait une expression singulière de volupté, bien que le nez fût droit et les joues un peu creuses. La face, d’une nuance uniformément blême, faisait dire aux femmes : « Cette demoiselle n’a pas de teint. » La bouche, trop grande, un peu molle, exprimait des instincts de bienveillance et de facilité.

René Longuemare reprit avec effort ses détestables plaisanteries :

— Non ! dit-il, il faut vous l’avouer, mademoiselle ; en quittant la France, je fuis mon bottier. Son accent tudesque m’est devenu insupportable.

Elle lui demanda encore une fois s’il était vrai qu’il partît. Alors il cessa brusquement de sourire.

— Je prends demain, dit-il, le train de 7 heures 55 du matin et je m’embarque à Toulon le 26, à bord du Magenta.

Il entendit le bruit des billes d’ivoire qui se choquaient sur le billard, dans le chalet, et une