Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

filés dans des tringles. Avec un geste magnifique, 11 frottait de craie le bout de sa queue de billard. Ses yeux pétillaient sous des sourcils en broussailles très épais. Il avait un air capable et satisfait, bien qu’il eût largement perdu la partie.

— M. Haviland, dit-il à son hôte, je tiens essentiellement à ce que ma fille nous fasse elle-même les honneurs de mon madère. Que voulez-vous ? Je suis patriarcal et biblique. En votre qualité d’insulaire, je vous crois bon appréciateur de tous les vins en général et du madère en particulier. Goûtez celui-ci, je vous prie.

M. Haviland tourna sur Hélène ses yeux ternes et prit silencieusement le verre qu’elle lui présentait sur un plateau de laque. C’était un long personnage à longues dents et à longs pieds, roux, chauve, vêtu d’un costume à carreaux. Il avait gardé sa jumelle en bandoulière.

Hélène disparut. Elle avait regardé son père avec inquiétude. Elle semblait mal à l’aise de l’entendre faire ses politesses volumineuses. Elle fit dire qu’elle était indisposée et qu’on l’excusât de ne point paraître au dîner.

Dans la salle à manger, peinte comme un café