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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/45

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mot d’amour, sans un mot de regret. S’il avait dit seulement qu’il reviendrait, qu’il emportait une pensée, un souvenir. Mais rien ! C’est donc que René ne l’aimait pas. Non, il n’aimait que ses livres, ses fioles, son scalpel et ses pinces. Il l’avait distinguée pour sa complaisance à l’écouter : voilà tout ! Il lui disait mille folies à elle comme à une autre, comme à tout autre. Pourtant, s’il l’aimait en secret, comme elle avait cru plusieurs fois le sentir ? Eh bien, elle se vengerait de sa désertion. Puis, son père disait vrai : elle était élevée pour la richesse ; elle avait la vocation du luxe. D’ailleurs, comment résister ? Quelle fatigue de se débattre ! Le premier assaut l’avait accablée déjà ! Son père reviendrait à la charge.

Hélène était de ces âmes qui acceptent d’avance la défaite. Enfin, l’amour de l’étranger la flattait. Elle savait, à des indices certains, combien cet amour était profond et vrai ; cet homme qui touchait au déclin, qui avait parcouru vingt-cinq ans la terre entière sans se désennuyer ; qui, de glace pour tout le monde, s’éprenait d’elle comme un jeune homme et qui, après trois mois de visites presque silencieuses, lui offrait son nom et sa for-