Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/146

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Hélène apprit cette nouvelle par les journaux, après une nuit atroce. Elle l’avait vu, lui. C’était une apparition affreuse ; il se tenait devant elle, sans lui rien reprocher, sans lui marquer de haine ni de colère. Seulement il se montrait à elle tel qu’elle l’avait fait, sous l’aspect épouvantable qu’il avait maintenant. Comment vivre, s’il revenait ainsi toutes les nuits ?

Son père vint à l’heure du déjeuner. Elle se jeta sur lui avec un délire de tendresse et d’épouvante, elle le suppliait des yeux. Elle le serrait si fort qu’il lui dit :

— Qu’as-tu donc ? Tu me fais mal !

Puis il déclara qu’il s’était toujours méfié de Groult, et c’était une révélation bien inattendue. Le crime de ce misérable le faisait frissonner, disait-il ; mais il lui était venu, dans la nuit, une idée, une inspiration. Il voulait retrouver Samuel Ewart. Il avait le matin même écrit à ce sujet à l’ambassade de France en Angleterre. Il poursuivrait ses recherches. Et dans ce moment même son regard aigu semblait vouloir percer la corniche.

Hélène souffrait cruellement de le voir ainsi