Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/149

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yeux fussent entièrement délayés et tout mêlés de terre, il aperçut un brin de fil sur le tapis de la table et l’ôta délicatement comme il faisait tous les jours quand il vivait, puis il disparut. Alors les terreurs d’Hélène changèrent. Dans son ignorance des choses, elle s’imagina la justice acharnée contre elle, lui arrachant l’aveu de ses plus secrètes pensées et l’envoyant sur le même échafaud que le domestique Groult. Tout ce qu’elle avait lu du supplice de Marie-Antoinette lui revenait à la mémoire. Elle sentait sur sa nuque le froid des ciseaux du bourreau. La folie de la peur l’envahit tout entière. Les frôlements de son peignoir la faisaient s’évanouir à demi.

Vers dix heures, elle entendit un claquement de portes. Elle ouvrit la fenêtre pour se tuer ou se sauver ; elle n’en savait rien. C’était son neveu Georges qui revenait, comme à l’ordinaire, du collège. Il jeta ses livres avec mauvaise humeur sur la table et, par hasard, regarda sa tante.

— Comme tu as de grands yeux aujourd’hui, lui dit-il.

Il ouvrit ses livres, comme à l’ordinaire, en attendant le déjeuner et se plaignit, avec une