Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/19

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je perdrai ce teint vif qui témoigne, comme vous dites, mademoiselle, d’une santé insolente, et je prendrai l’aspect plus intéressant d’un citron à ses derniers jours. Il se produira dans mon foie des désordres compliqués qui exciteront vivement ma curiosité. Avouez-le, tout cela vaut bien le voyage.

René Longuemare, aide-major de première classe, parlait ainsi dans le jardin, au pied du chalet. Il y avait devant lui une petite pelouse, une pièce d’eau avec une grotte artificielle, un arbre de Judée, des houx le long d’une grille ; par-delà la grille, au loin, la belle vallée, la Seine, ondulant à gauche entre des rives d’un vert pâle, traversée à droite par la ligne blanche du viaduc et disparaissant entre cette immensité de toits, de clochers et de dômes, qui est Paris. La lumière, qui tombait dans le lointain poudroyant, sur le dôme doré des Invalides, y rebondissait en rayons. C’était une bleue et chaude journée de juillet ; quelques nuages blancs se tenaient immobiles dans le ciel.

La jeune fille à qui René Longuemare parlait, assise dans un fauteuil de fer, leva sur l’aide-