Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/235

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à moi-même de vous avertir que je ne serai pas embarrassé de trouver un gîte ailleurs. Je ne vous ai pas donné, que je sache, le droit de m’accabler de vos bienfaits.

Mais le philosophe, malgré sa grandeur d’âme, ne put se maintenir longtemps à ces hauteurs. Il redevint faible. Il oublia le mammouth du muséum et ne vit plus que Virginie. Il tomba dans un morne abattement. Il y eut pourtant une belle heure dans sa vie. Ayant rencontré un matin Virginie qui revenait de la halle avec un panier à chaque bras, suant, soufflant, toussant et suffoquée par un commencement d’asthme, il la suivit moitié de gré, moitié de force et obtint d’elle de porter le panier de viande. Il fut ravi. Cette joie le gâta. Il espéra, il osa tout. Un soir, il se glissa dans la cuisine et saisit entre ses bras Virginie qui lavait la vaisselle. Elle laissa tomber une assiette et poussa des cris déchirants. Non, la princesse Fédora n’avait pas crié si fort.

Ce fut un scandale. Le poète Dion était heureux. Les yeux de Mercier pétillaient sous leurs lunettes. Labanne haussait les épaules. Remi, un peu fâché, sourit intérieurement quand il eut trouvé sa ven-