Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mousqueterie le surprit sur la lisière d’une plantation de bananiers. Étonné, indigné, consterné, il tourna vers ses troupes sa face décomposée et s’écria avec une éloquence sincère :

— L’empereur a moqué pauvre monde !

À ces paroles du général, la brigade tourna les talons et s’enfuit à toute vitesse. Télémaque, faisant jouer les ressorts de ses jarrets de singe et tirant la langue, reprit la tête de la colonne, sans se soucier des fusils, des tentes, des paquets de cartouches et des caisses de biscuits abandonnés en route. Soulouque, sur la nouvelle de cette opération militaire, trembla de tous ses membres et, pour se redonner du cœur, fit fusiller le général Voltaire Castor. Il donna l’ordre d’arrêter le général Télémaque, qui resta caché huit jours dans les palétuviers. Le consul français, à la prière de la belle madame Sainte-Lucie, recueillit Télémaque et le fit passer à bord de la Naïade, qui appareillait à destination de Marseille.

À ce souvenir, Télémaque prit la mine d’un chien intelligent qu’on a fouetté, et remit les croix, les épaulettes et le chapeau dans les foulards. Il regarda par la fenêtre, avec inquiétude, si personne