Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hêtres, les chênes, en déployant à différentes hauteurs leurs bouquets verts, rompraient la monotonie des surfaces grises et, en poussant leurs racines dans la maçonnerie, détermineraient des lézardes d’une sinuosité pittoresque. Il faut beaucoup de lierre, mais cette plante grimpante ne nous fera pas défaut ; elle vit sur la pierre. Les vents et les oiseaux sèmeront dans la poussière des fissures la giroflée, qui aime les vieux murs, et mille autres graminées. Le saxifrage, avide d’humidité, la ronce et la vigne vierge naîtront et pulluleront à l’aventure. Le faîte de l’édifice sera dentelé de pigeonniers. Les hirondelles maçonneront leurs nids sous les voûtes. Des compagnies de corbeaux, attirés par les cadavres des loirs et des mulots, s’abattront sur les corniches à la tombée de la nuit. Alors, l’Arc-de-Triomphe, entretenu de la sorte avec un soin intelligent, pourra être regardé par les poètes, copié par les peintres et considéré comme une œuvre d’art. Garçon, un bock !

La nuit tombait. L’artiste et le penseur renoncèrent à pousser plus avant et reprirent le tramway de Montparnasse.