Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/33

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— Mon enfant, je n’ai rien dit qui pût t’engager en aucune façon. J’ai voulu te laisser libre. Je ne me reconnais pas le droit de t’imposer ma volonté. Tu sais bien que je ne suis pas un tyran.

Elle s’accouda sur l’oreiller.

— Non, dit-elle, tu es un excellent père ; et, puisque je ne veux pas me marier, tu ne m’y forceras pas.

Il reprit avec bonhomie :

— Je te le répète, ma fille, tu seras libre comme l’air ; mais nous pouvons bien causer de nos petites affaires. Je suis ton père ; je t’aime. Je puis te dire des choses que tu es assez grande fille pour entendre. Voyons ! causons comme une paire d’amis. Nous vivons bien, tous les deux, nous vivons même très bien. Mais nous n’avons pas ce qu’on appelle une fortune assise. Je suis le fils de mes œuvres ; je suis arrivé trop tard, trop tard ! Il coulera de l’eau sous le pont avant que je t’aie amassé une dot. Et d’ici là, qui sait ce qui arrivera ? Tu as vingt-deux ans, et le parti qui s’offre à toi aujourd’hui n’est pas à dédaigner. C’est même ce que j’oserais appeler