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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/36

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de trop grand ni de trop beau pour toi. Je t’ai élevée pour la fortune. Tu n’as appris ni à te servir ni à compter. Si tu ne deviens pas riche, tu seras la plus malheureuse des femmes, et c’est moi qui aurai fait ton malheur. Quelle responsabilité pour ton pauvre père ! J’en mourrais ! Mais elle est venue, la fortune ; elle est là qui frappe à ta porte. Hein ? petite, nous lui dirons d’entrer. Vois-tu bien ? je t’aime, je t’adore, ma fillette. Je sais ce qui te convient : l’amour ne trompe pas. Laisse-moi faire !

Hélène demanda d’un ton négligent si M. Haviland avait l’intention de se fixer à Paris.

— Oui, certes ! s’écria M. Fellaire, qui n’en savait absolument rien.

Il ajouta que son futur gendre était élégant de manières et capable encore de tourner la tête à bien des jeunes femmes. Et quant à ses sentiments, ils étaient d’une délicatesse… M. Fellaire ne pouvait concevoir qu’on eût des sentiments si délicats. Il frappa le dernier coup : parla d’hôtel, de voitures, de bijoux.

Hélène songeait que René Longuemare était parti, parti bien loin et pour longtemps, sans un