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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/54

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Le domaine de M. Fellaire de Sisac, à Meudon, s’était considérablement accru. La grille, qui serrait jadis le chalet d’assez près, s’était élargie pour contenir le terrain voisin, sur lequel s’éleva aussitôt un petit château gothique avec tourelles, créneaux et machicoulis en brique. Le tout avait un nom : c’était la Villa de Sisac. Le plâtre en était frais encore quand un jour un écriteau pendu à la grille annonça que la maison, le chalet et les dépendances étaient à vendre ou à louer présentement.

Les saisons se succédaient et l’écriteau se balançait au vent. La pluie et le soleil l’avaient ridé et jauni.

Enfin, par des jours d’automne, un silence de désolation s’abattit sur le coteau de Meudon. Puis, à pas lourds, le fusil à l’épaule, le casque de cuir sur la tête, des soldats allemands entrèrent dans le chalet abandonné et y logèrent. Ils firent du feu dans le calorifère avec les planches cirées des parquets. Le toit fut crevé par un obus. Le grand hiver était venu. La France était envahie, Paris assiégé. Dans ce grand écroulement d’un peuple, la fortune de M. Fellaire achevait de s’abîmer.