Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/83

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le conseil pressant de René, elle résolut de nouveau d’appeler des médecins et de garder elle-même le malade.

Le lendemain, elle le trouva dans un grenier qui lui servait d’atelier. Il rabotait une planche avec beaucoup d’attention, car il était menuisier aussi bien que chimiste. En le voyant si calme, si reposé, elle crut avoir rêvé. Il parla du cuisinier, qui était un voleur et qu’il avait chassé : c’était Groult qui avait découvert la fraude. Il posait de temps en temps son rabot sur l’établi et venait ôter délicatement les copeaux que sa femme avait pris dans la guipure de son peignoir. Il avait ses yeux naturels, ses yeux clairs, et jamais il n’avait autant manqué d’imagination.

Elle songeait à René, si vif, si intelligent, d’un esprit plein d’intérêt, comme un livre bien fait, d’une âme éclatante de jeunesse et de force, et son cœur se gonflait de haine en regardant ce vieillard qui rabotait. Groult vint à l’heure ordinaire apporter le sirop à son maître. Quand il vit Hélène dans ce grenier où elle n’avait jamais mis les pieds, il roula des yeux de chat furieux.

Puis, comme l’autre fois, tandis que M. Havi-