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« Aujourd’hui, dit-il, l’État nous remet le mandat sans nous demander aucun compte. Demain, quand nous aurons affaire aux comités, il faudra s’expliquer à chaque instant avec le président, contenter Pierre et ne pas déplaire à Paul. Malheur à nous si nous nous mettons à dos quelque dévote influente. La tyrannie de la République sera remplacée par la tyrannie des grenouilles de bénitier. »[1]

M. de Lanessan pense que le peuple de France n’est pas assez croyant pour faire de grands sacrifices à sa foi. Il est bien difficile d’évaluer le nombre des fidèles. Je ne sais où Taine a pris que sur trente-huit millions de Français, il y a quatre millions de catholiques pratiquants, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants. C’est possible. M. Dupanloup, évêque d’Orléans, sur les trois cent cinquante mille catholiques de son diocèse, en comptait trente-sept mille qui faisaient leurs pâques. M. l’abbé Bougrain, dans ses estimations plus récentes, trouve un chiffre approchant.

Un très distingué député de la droite, M. Jules Delafosse, a observé que, dans une partie du Limousin, entre l’Indre et la Creuse, les paysans étaient étrangement détachés des pratiques religieuses.

« Il y a encore dans chaque commune une église et un curé, dit-il ; mais il est à peu près seul à y entrer. Dans la commune où je me trouvais, il n’y avait guère que moi et les miens à la messe du dimanche. On n’y voit ni femmes, ni jeunes filles, ni garçons.

  1. Article de M. Éric Bernard dans le Siècle du 3 août 1904.