Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conformément à l’idée divine. La méchanceté des hommes l’en empêche. Aussi le droit de l’Église à appliquer aux coupables des peines temporelles et à user de la force matérielle a-t-il été misérablement réduit à rien ». Ce Père exprime fidèlement la pensée des chefs de la catholicité. L’Église considère toujours que le bras séculier a le devoir de brûler les hérétiques et que la méchanceté des hommes est seule cause qu’il ne le fait plus. Les papes actuels pensent du Saint-Office exactement ce qu’en pensaient leurs prédécesseurs Innocent III et Paul III. Au milieu du XIXe siècle (en 1853), cette même Civilta Catolica, organe du Gesù, présentait l’Inquisition comme le couronnement de toute perfection sociale. Et, dans le même temps, l’Univers de Louis Veuillot en admirait « la justice sublime » et la célébrait comme « un vrai miracle ». Il en appelait de tous ses vœux l’heureuse restauration, affirmant, en bon canoniste, le droit du Pape à la restituer dans toutes les nations. Ce droit, la curie romaine l’exerça pleinement en 1862. Dans le concordat conclu à cette date entre le Pape et la république de l’Equateur, il fut arrêté en huit articles que les autorités temporelles seraient tenues d’exécuter, sans pouvoir s’y refuser, toute peine prononcée par les tribunaux ecclésiastiques. Nul doute que l’Église ne soit disposée à rétablir aussi l’Inquisition dans les États européens. Mais, comme dit le journal de Veuillot, ils n’en sont pas dignes.

Il y a une vingtaine d’années, me trouvant au