Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/34

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qui ne la craignait plus, ne la regardait pas d’un bon œil ; et, hors les provinces de chouannerie, il n’y avait guère pour le curé que les femmes et les enfants. L’ouvrier l’exécrait. Mais la jeune bourgeoisie, issue des Voltairiens de 1830, lui revenait. Son plus grand homme d’État, M. Thiers, lui avait donné l’exemple, quand, épouvanté de voir les rouges dans la rue, il était allé se cacher sous le camail de Monseigneur Dupanloup. Chefs d’usine, négociants, propriétaires, petits et gros rentiers demandaient à la religion de les protéger contre les socialistes déchaînés. L’Église, en 1871, retrouvait sa vieille alliée, la peur.

Elle retrouvait dans le gouvernement même une autre alliée, la philosophie spiritualiste. Les ministres du 4 septembre se montrèrent plus faibles devant l’Église que les ministres de l’Empire. Ils se conduisirent comme ces évêques dont parle Saint-Simon, « qui avaient horreur des maximes de l’Église de France, parce que toute antiquité leur était inconnue. » En 1872, on fit ce qui n’avait jamais été fait en France, pas même sous le règne de Charles X. On soumit au Pape le choix des évêques ; on admit que le Nonce participât à des nominations que le Concordat remettait au seul gouvernement français, et l’on fut surpris ensuite de voir l’Episcopat composé d’ultramontains enflammés. Mais il faut tout dire : Plus tard, certains ministres des Cultes, moins accommodants que Crémieux et que Jules Simon, insistèrent pour que la curie prît leurs candidats. Chaque fois qu’elle y consentit, ils s’en trouvèrent mal.