Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/48

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retrouve dans toutes les choses ecclésiastiques la constance et la suite. Pour conquérir la domination temporelle en France, l’Église préférait, depuis quelques années, les corps francs, les congrégations non reconnues. Et la multitude de celles-ci augmentait sans cesse dans la France envahie.

En cette occasion, on revit ces vieux ennemis des puissances séculières, ces Petits Pères partout supprimés et partout répandus ; les Jésuites, dont l’avocat Pasquier disait, au temps d’Henri IV, qu’ils ne tendaient qu’à la désolation de l’État ; les Jésuites, « premiers boutefeux » de nos troubles. Qu’ils aient dirigé les entreprises des antisémites au début de l’Affaire, ce n’est guère douteux. On les surprend ensuite nouant des intrigues dans les bureaux de la Guerre pour sauver ces désespérés, qui suaient le sang à étouffer la vérité. Aussi bien les Jésuites y avaient-ils un intérêt sacré. Ils comptaient sur l’Affaire pour réparer le crime de l’Assemblée constituante, et fondaient cette espérance que la trahison d’un juif déterminerait la France indignée et épouvantée à retirer les droits civils aux juifs et aux protestants, et à rétablir ainsi, dans ses lois, l’unité d’obédience au profit des catholiques romains. Il semble qu’ils aient pris moins de soin qu’à l’ordinaire de se cacher. C’est peut-être que le Père Du Lac se montra peu capable de dissimulation, ou bien qu’ils se croyaient trop sûrs de réussir, ayant, pour cette fois, dans leurs intérêts, leurs ennemis eux-mêmes, une foule de libres penseurs et de républicains.