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le jongleur de notre-dame

dans la mauvaise saison. Mais, comme il avait le cœur simple, il prenait ses maux en patience.

Il n’avait jamais réfléchi à l’origine des richesses, ni à l’inégalité des conditions humaines. Il comptait fermement que, si ce monde est mauvais, l’autre ne pourrait manquer d’être bon, et cette espérance le soutenait. Il n’imitait pas les baladins larrons et mécréants, qui ont vendu leur âme au diable. Il ne blasphémait jamais le nom de Dieu ; il vivait honnêtement, et, bien qu’il n’eût pas de femme, il ne convoitait pas celle du voisin, parce que la femme est l’ennemie des hommes forts, comme il apparaît par l’histoire de Samson, qui est rapportée dans l’Écriture.

À la vérité, il n’avait pas l’esprit tourné aux désirs charnels, et il lui en coûtait plus de renoncer aux brocs qu’aux dames. Car, sans manquer à la sobriété, il aimait à boire quand il faisait chaud. C’était un homme de bien, craignant Dieu, et très dévot à la sainte Vierge.

Il ne manquait jamais, quand il entrait dans une église, de s’agenouiller devant l’image