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la messe des ombres

sa jeunesse et sa bonne mine. Son sourire montrait encore des dents de jeune loup. Catherine lui dit tout bas :

— Monseigneur, qui fûtes mon ami et à qui je donnai jadis ce qu’une fille a de plus cher, Dieu vous ait en sa grâce ! Puisse-t-il m’inspirer enfin le regret du péché que j’ai commis avec vous ; car il est vrai qu’en cheveux blancs et près de mourir, je ne me repens pas encore de vous avoir aimé. Mais, ami défunt, mon beau seigneur, dites-moi qui sont ces gens à la mode du vieux temps qui entendent ici cette messe silencieuse.

Le chevalier d’Aumont-Cléry répondit d’une voix plus faible qu’un souffle et pourtant plus claire que le cristal :

— Catherine, ces hommes et ces femmes sont des âmes du purgatoire qui ont offensé Dieu en péchant comme nous par l’amour des créatures, mais qui ne sont point pour cela retranchées de Dieu, parce que leur péché fut, comme le nôtre, sans malice.

« Tandis que, séparés de ce qu’ils aimaient sur la terre, ils se purifient dans le feu lustral du purgatoire, ils souffrent les maux de l’ab-