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mémoires d’un volontaire

inscriptions. Le régent les dépassait tous par l’élévation de son esprit et la beauté de son âme.

Tandis que j’achevais ma philosophie sous ces maîtres éminents, une grande rumeur parvenait jusque dans notre province et traversait les murs épais du collège. On parlait d’assembler les États, on demandait des réformes ; et l’on attendait de grands changements. Des livres nouveaux, que nos maîtres nous laissaient lire, annonçaient le retour prochain de l’âge d’or.

Quand vint le moment de quitter le collège, j’embrassai le Père Féval en pleurant.

Il me retint dans ses bras avec une profonde sensibilité. Puis il m’entraîna sous cette charmille où six ans auparavant j’avais eu avec lui mon premier entretien.

Là, me prenant par la main, il se pencha sur moi, me regarda dans les yeux et me dit :

— Souvenez-vous, mon enfant, que, sans le caractère, l’esprit n’est rien. Vous vivrez assez longtemps, peut-être, pour voir naître dans ce pays un ordre nouveau. Ces grands change-